Être un phare dans la nuit (7)

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Nous continuons notre série d’articles fondés sur des courriers que nous avons reçus de M. Reynouard, et que désirons partager avec les lecteurs du Blogue Sans Concession. 

Dans cette septième et dernière partie, M. Reynouard fait un bref bilan de ce qu’il a appris, sur le plan humain, au cours de ces trente années de militantisme.

(Pour ceux qui ne les auraient pas encore lues,
la première partie de ces lettres se trouve à cette page-ci,
la deuxième partie, à cette page-là,
la troisième partie, à cette page-là,
la quatrième partie, à cette page-là,
la cinquième partie, à cette page-là,
la sixième partie, à cette page-là.

Pour en savoir plus sur la façon dont nous sommes arrivés au texte que nous publions ici, veuillez vous reporter à l’introduction à cette série d’articles.

Nous vous souhaitons une agréable lecture.

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[SC. Avec le recul des années, pourriez-vous nous dire ce que vous avez appris de cette période de votre vie?]

VR. Lorsqu’en 2015, j’ai songé au suicide et que le révisionnisme m’en a préservé, j’ai travaillé sur moi-même pour ne plus souffrir du manque de mes enfants. Au lieu de reporter la faute sur les autres (Marina, Marie, mes adversaires…), j’ai observé mon propre comportement. Plus précisément, je me suis posé la question: « pourquoi, en 2011, ai-je quitté ma famille? » Je me suis alors aperçu que j’avais agi sous l’emprise de la souffrance.

En effet, si, au début de ma détention, Marina m’avait très bien soutenu, après plusieurs mois, son comportement avait subitement changé: ses lettres étaient remplies de reproches acerbes, si acerbes qu’à la fin, je ne les ouvrais même plus, et elles partaient directement à la corbeille.

De plus, à ma sortie de prison, en avril 2011, il m’était impossible de revenir chez moi, en Belgique, car pendant ma détention, j’avais été placé sous contrôle judiciaire par les autorités françaises, dans le cadre d’une nouvelle affaire liée au révisionnisme. Contraint de rester en France, j’avais élu domicile chez ma mère.

Je pensais que mes enfants les plus jeunes m’y accompagneraient, tandis que les plus âgés viendraient nous y rejoindre pendant les vacances d’été. Toutefois, il n’en fut rien. Le soir de ma sortie de prison, je partis seul chez ma mère, mes enfants rentrant à Bruxelles au terme d’une journée passée ensemble. Plus tard, Marina m’apprit que, pour les vacances d’été, les enfants viendraient dix jours et logeraient chez mes beaux-parents, à 20km de là.

À cela s’ajoutaient deux autres faits que je tairai ici. J’en fus ulcéré. J’espérais passer du temps avec mes enfants; on m’offrait dix jours pendant l’été! Dépité, je me rapprochais d’une révisionniste qui m’avait écrit anonymement en prison et qui s’était révélée à ma sortie de prison dans un courriel: Marie. Nous nous rencontrâmes à Paris en mai 2011. Auprès d’elle, je trouvais du réconfort. En juillet 2011, j’envoyais une lettre à Marina pour lui annoncer que je la quittais. Pendant une vingtaine de jours, j’ai attendu une réponse. Rien n’est venu. Jamais.

Repensant à tout cela en 2015 et 2016, j’ai compris que j’avais souffert d’attentes déçues. J’attendais un soutien total et sans faille de Marina, j’attendais la venue de mes enfants à ma sortie de prison. Les événements m’avaient déçu, j’en souffrais beaucoup et sous l’emprise de la souffrance, j’avais commis une faute tragique.

Cette souffrance était concevable, mais cela ne m’autorisait pas à abandonner ma famille! J’ai alors compris que si je m’étais très mal comporté, ce n’était ni par égoïsme ni par méchanceté, mais parce que je souffrais d’attentes déçues.

Ayant réalisé cela, j’ai examiné le comportement de Marina. L’évidence m’est alors apparue, aveuglante: elle aussi avait dû souffrir d’attentes déçues cruellement, et cela dès le début, dès 1991-1992. J’avais toujours privilégié le révisionnisme et l’avais négligée…

Plus généralement, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il n’y a pas, chez les gens, de méchanceté intrinsèque; une personne qui se comporte méchamment est une personne qui souffre, même si elle l’ignore (je pense ici aux souffrances de l’enfance).

[SC. Vous dites qu’il n’existe pas de méchanceté intrinsèque. Appliquez-vous aussi ce raisonnement à vos adversaires?]

VR. Surtout à mes adversaires. Songez à un Juif né après la guerre. Il apprend que les « nazis » ont tenté d’exterminer son peuple par « haine antisémite »; peut-être même lui dit-on que des membres de sa famille ont été assassinés dans les camps. On le gave d’images de déportation, de « chambres à gaz », de fosses remplies de cadavres… Quand ce Juif entend le discours révisionniste, il éprouve une souffrance qui, tout naturellement, provoque chez lui une colère profonde. Aussi applaudira-t-il à la répression.

Il en va de même à Oradour. Les générations nées après 1950 croient le récit officiel: j’ai pu le constater. Même si elles peuvent nourrir des doutes, l’histoire imposée fait tellement partie de leur identité, qu’elles les refoulent d’une façon ou d’une autre. Par conséquent, mon travail ne peut que les faire souffrir; d’où leurs applaudissements ou leur passivité bienveillante face aux poursuites dont j’ai été — et serai sans doute — l’objet.

Bien sûr qu’au départ, ces gens croient des menteurs, et nous devons publiquement dénoncer ces mensonges mortifères. Voilà pourquoi je lutte et brave la loi. Toutefois, à mon avis, il faut combattre nos adversaires sans les haïr, car leurs comportements répréhensibles sont le fruit d’une souffrance concevable, et non d’une méchanceté intrinsèque. Or, plus vous les injurieriez, plus ils souffriraient; et plus ils souffriront, plus ils renforceront la répression. Est-ce vraiment ce que vous voulez? Pas moi! D’où ma courtoisie à leur endroit. Je le répète: ce sont les discours que je combats, non les personnes. S’attaquer aux personnes, c’est perdre son temps, son énergie et rendre le combat at plus difficile.

Quant aux complices qui collaborent à la répression que nous subissons (les dénonciateurs, les policiers et les juges notamment), ils sont soit convaincus des mensonges officiels et de la nocivité de notre combat, soit fonctionnaires appliquant les ordres; souvent les deux à la fois, d’où leur zèle intempestif. D’autres, enfin, sont du côté du plus fort, car c’est plus facile et plus confortable.

À mes yeux, ils sont des instruments de la Providence. Elle les utilise comme simple rouage de la machine. Un rouage peut toujours être remplacé; ce qu’il nous faut donc faire, c’est tarir la source de carburant, c’est-à-dire les mensonges officiels. Voilà pourquoi je ne nourris contre ces gens ni haine ni colère.

[SC. Revenons à votre famille. En quoi votre cheminement vous a-t-il permis de ne plus souffrir du manque de vos enfants?]

VR. En acceptant de reconnaître ses torts et en cessant de se convaincre qu’on serait victime des gens « méchants », une véritable démarche de pardon peut être entreprise. Une telle entreprise a pour objectif non pas de se justifier, mais de réparer et d’attendre que l’autre réponde à votre appel, sans rien exiger. C’est parce que le fils prodigue n’a rien exigé que son père l’accueillit à bras ouverts.

J’ai envoyé une demande de pardon à Marina. J’ai écrit à mes enfants. Pour reprendre contact. Ceux qui répondront positivement retrouveront leur père. Pour ceux qui refuseront, j’aurais été un simple géniteur, c’est-à-dire un instrument que la Providence aura utilisé pour les faire venir au monde dans les conditions requises par le plan divin.

Cette vision de la vie m’a permis de ne plus souffrir du manque de mes enfants: ceux qui reviendront le feront un jour, c’est une simple question patience; les autres n’étaient pas mes enfants, mais des âmes qui devaient naître dans mon foyer. Naturellement, j’espère que tous reviendront; mais j’accepte d’avance le cas contraire.Le Christ l’a dit: « on reconnaît l’arbre à ses fruits. » Or, cette vision de la Vie m’a libéré du désespoir, du ressentiment, de la colère, et m’a également permis de perdre 40 kg à l’âge de 47 ans, sans les reprendre par la suite (c’est-à-dire depuis 6 ans): c’est là, il me semble, un signe objectif d’un changement intérieur…

Demandant à d’autres de me pardonner, je suis tout naturellement disposé à pardonner. Considérons l’affaire d’Oradour-sur-Glane. Pendant huit ans, de 1997 à 2005, les gardiens de la Mémoire ont orchestré la répression ou l’ont applaudie. Si, à la suite à la parution de mon nouveau livre, ils me disaient: « Nous reconnaissons que la thèse officielle est fausse. Toutefois, les événements survenus le 10 juin 1944 dans le village demeurent une tragédie. Nous sommes donc prêts à réviser l’Histoire tout en respectant la mémoire des victimes et en oubliant ces 80 ans de mensonges »; si les gardiens de la Mémoire m’adressaient un tel appel, je répondrais immédiatement: « très bien: écrivons ensemble une Histoire véridique, oublions non seulement 80 ans de mensonges calomniateurs, mais aussi tout ce que vous m’avez fait subir. On efface tout, on dit la vérité et on se serre la main. »

À vue humaine, les gardiens de la Mémoire ne m’adresseront certainement pas un tel message; mais au regard de l’infini, la vue humaine est celle d’une taupe. On peut donc toujours espérer et rester le cœur ouvert. J’ajoute que si les gardiens de la Mémoire nous infligent de nouvelles épreuves, il faudra les accueillir comme une nouvelle occasion de manifester le Bien. Voilà pourquoi je reste serein, y compris en prison. On peut certes critiquer ma vision du monde, mais une chose est certaine: cette vision me donne la force de continuer malgré les épreuves diverses, et ainsi d’être un phare dans la nuit.

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C’est la fin de cette série d’articles. Merci de l’avoir lue jusqu’au bout.

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